Je vais me pencher aujourd'hui sur la difficulté du diagnostic et l'une de ses causes précisément. Autant dire que c'est un sujet qui m'énerve ......légèrement.
L'histoire d'un parcours de combattante :
Quelques chiffres de l'Inserm (2019):
-7 ans en moyenne pour être diagnostiquée, ça fait long !
-10% des femmes sont atteintes d'endométriose.
-40% des femmes qui souffrent de douleurs pelviennes ont de l'endométriose.
-Entre 2,1 et 4,1 millions de femmes sont concernées en France !
-Environ 9 milliards d'euros de dépense pour les coûts médicaux et la perte de productivité.
-70% des femmes atteintes ont des douleurs chroniques invalidantes.
-30 a 40% des femmes atteintes ne peuvent pas avoir d'enfants.
je reste sceptique sur ce dernier point mais j'y reviendrai dans un article consacré aux croyances qui peuvent s'avérer toxiques.
Voilà pour les chiffres officiels, mais pourquoi est-il si long d'être diagnostiquée ? Outre le manque de formation, il y a selon moi bel et bien un sexisme médical à l'origine du problème. Pour exemple, combien de femmes ont entendu qu'elles avaient un problème d'ordre psychologique , que" les règles ça fait mal ", " vous avez peur du sexe ", "vous êtes trop douillette "," trop sensible " " dépressive " et j'en passe ... mais d'où vient cette idée que la femme exagère ses symptômes et donc que la croire serait presque préjudiciable ?
Un peu d'histoire : le saviez-vous ?
La femme et sa santé, c'est une bien longue histoire ...considérée comme une hystérique car "elle a tous les maux", elle est "le sexe faible " Aristote considérait déjà la femme
comme un " mâle inaccompli ", autant dire que ça ne date pas d'hier. Dans un article récent de "Siné madame", consacré au stéréotype dans la santé des femmes, on peut lire en citation la déclaration d'un député de la convention en 1793 : « la femme est " inepte au médiation haute et au conception sérieuse ", ça donne le ton. Je pourrais aussi cité le code de Napoléon, qui en 1804 privait les femmes " de leurs droits juridiques , au même titre que les enfants, les criminels et les débiles mentaux ", elle est donc selon les croyances de l'époque clairement incapable d'une réelle réflexion...pour la petite histoire lorsque j'ai lu ça il y a des années, il m'a fallu environ 2 heures et une bière pour m'en remettre. De plus les femmes sont considérées, à ce moment-là, comme des éternelles malades, trop fragiles et trop sensibles. A la fin du 19ème siècle pour calmer l'hystérie, qui est en réalité une succession de symptômes assez répandus : angoisse , irritabilité ,trouble du sommeil etc... les médecins masturbent les femmes, la jouissance était sensée calmer ces êtres instables et si peu raisonnables.
Pendant le siècle glorieux "des Lumières" il est admis qu'après la puberté, l'utérus se charge d'hypersensibilité qui altère son entendement (si, si). Pour continuer dans les faits historiques sympathiques, je citerai les internements forcés pendant tout le 19ème siècle, de certaines femmes qui souffraient de douleurs aiguës, de dépressions, de crises d'angoisse , etc ... Quand on sait que le paracétamol a été commercialisé en France seulement en 1957 et qu'à la fin du 19ème siècle, l'opium n'était ni accessible, ni administré, on comprend que les femmes qui souffraient étaient un petit peu sur les dents, de là à les interner, il n'y a qu'un pas. Pour la petite histoire, la découverte de" la préparation buvable d'acétate de morphine" (la morphine quoi) en 1817, à créer une énorme polémique, car elle était considérée comme "dangereuse pour la moralité" . Vous l'aurez compris les femmes atteintes d'endométriose on surement dû être internées à tour de bras, nul doute que si les choses avaient continué ainsi nous serions nous aussi entre quatre murs capitonnés, on l'a échappé belle ! Pour finir, la femme enceinte n'était pas épargnée, elle devait enfanter dans la douleur pour ne pas être " débauchée", je cherche encore où est le rapport. Bref, comment s'étonner ensuite alors que les grands penseurs de notre histoire, ainsi que nos sociétés d'alors méprisaient notre jugement, d'être aujourd'hui confronter à de telles difficultés de reconnaissance et donc de diagnostic. Il semble inscrit dans l'inconscient collectif et particulièrement dans la médecine que les femmes ne sont pas digne d'être crédibles, car leurs douleurs sont soit somatiques, soit largement exagérées.
Malheureusement il ne faudrait pas minimiser l'impact énorme qu'on eut des siècles de fausses croyances nous concernant, car elles représentent le socle sur lequel est en partie bâtie la médecine moderne, qu'on efface pas si facilement.
Qu'en est-il aujourd'hui ?
Il y a malheureusement encore de très nombreux témoignages de femmes qui se sont vues au mieux, gentiment sermonnées, au pire carrément humiliées quand elles confiaient leurs douleurs. Elles errent donc de médecin en spécialiste, pas toujours bien formés, elles doutent de leur propre jugement en se demandant si finalement elles ne sont pas dingues, et perdent ainsi un temps très très précieux. Pour la petite histoire en 2016, j'ai fait une IRM , on m'a indiqué qu'il n'y avait rien et qu'il fallait me remettre sous pilule. Je suis allée voir mon actuel chirurgien, qui m'a alors annoncé que ma vessie était prise dans un étau et qu'il faudrait peut-être en enlever un morceau ....j'ai été opérée 15 jours plus tard, j'ai toujours ma vessie intègre mais si je n'avais pas fait la démarche ou en serai-je aujourd'hui ? Alors on choisit des pros et on prend toujours plusieurs avis, car même eux ne sont pas toujours d'accords entre eux et ils n'utilisent pas tous les mêmes techniques.
Il y a eu des campagnes de sensibilisation au sexisme médical et l'endométriose est de plus en plus connue, des centres spécialisés ont vu le jour et des professionnels de santé ont alerté l'opinion sur l'importance d'un diagnostic précoce et d'une meilleure prise en charge, cependant il faudra attendre encore pour que les comportements ancrés évoluent durablement, c'est pourquoi, si vous avez un doute, il va falloir insister pour être diagnostiquée.
Faites-vous confiance ! :
Contrairement à l'opinion médicale inconsciente (ou non) et encore très ancrée , vous connaissez votre corps et vous êtes tout à fait à même de juger si il y a un problème ou non . Ainsi face à un médecin qui ne vous écoute pas, lève les yeux au ciel ou sourit de manière condescendante comme si vous étiez une petite fille naïve et un peu ralentie, osez répondre ! Tout le monde vous doit le respect d'une écoute bienveillante, quand bien même vous auriez peur pour rien (tant mieux !!) , personne n'a à vous rabaisser ou vous mettre mal à l'aise pour autant . Vous avez le droit d'insister, de réclamer une irm par exemple qui est bien plus efficace que l'échographie, vous avez aussi le droit de réclamer des examens sanguins ect ...
Faites appel aux bons professionnels ! Il y a beaucoup de médecins, gynécologues et de chirurgiens qui écoutent les femmes dans leurs douleurs et leurs questionnements, alors si vous tombez sur un professionnel vraiment désagréable sachez qu'ils sont là et que le délai des rendez-vous n'est pas forcément long. N'hésitez pas à prendre plusieurs avis et à vous renseigner sur « endomind » par exemple qui fournit une liste de professionnels compétents dans le diagnostic.
Alors écoutez-vous !
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